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Agnès Thurnauer présente au CCC une toute nouvelle série d’œuvres qui revisite l’histoire de l’art contemporain à travers une galerie de portraits des grands artistes du XX° siècle. Cette nouvelle production s’ancre dans un travail mené depuis deux ans sur le genre des noms d’artistes dont Agnès Thurnauer inverse le féminin et le masculin, créant ainsi toute une population artistique fictive. Si l’on avait déjà pu voir ces noms apparaître dans des peintures sur toile, des wall-paintings ou des badges, (notamment à la Biennale de Lyon 2005 ou au S.M.A.K de Gand plus récemment), les nouveaux « Portraits grandeur nature » qu’Agnès Thurnauer présente au CCC ouvrent le propos au-delà de la question du genre, à la question du nom : comment le nom des artistes œuvre-t-il, et quel champ opère-t-il dans nos esprits ? Comment peut-il devenir une forme en soi et comment peut-il à lui seul représenter ?

Les « Portraits grandeur nature » d’Agnès Thurnauer apparaissent au premier abord comme une version surdimensionnée de ses petits badges colorés. Descendus du tableau pour circuler dans la vie quotidienne, épinglés aux vestes des spectateurs, ces noms d’artistes inventés surgissent aujourd’hui sur des sculptures dont le format, le mode d’accrochage et le mode de perception ne cessent pourtant d’interroger la peinture comme langage et comme représentation du monde. C’est en 2005, avec le projet « XX Story », qu’Agnès Thurnauer a commencé ce travail sur du genre des noms d’artistes. Elle tentait alors de rendre concrète une question abstraite : pourquoi l’histoire de l’art avait-t-elle jusqu’à présent été monolithiquement masculine ? D’une façon apparemment légère, ludique, Agnès Thurnauer a féminisé les noms des grands artistes, dans une démarche de constat plus que de revendication. Elle a d’ailleurs également peu à peu masculinisé les quelques noms d’artistes femmes appartenant à l’histoire. Ainsi est née toute une population parallèle qui réinvente une autre histoire. Une histoire crédible qui livre à notre imagination des vies et des œuvres possibles.

La série des « Portraits grandeur nature » interroge maintenant le nom en tant que processus : incarnant d’abord un individu en lui donnant corps et chair, puis accréditant son existence, il se dissocie à l’usage du corps pour œuvrer en lui-même. Les textes affleurant sur la surface sans fond des « Portraits grandeur nature » viennent souligner le travail du nom comme forme traversant toute l’œuvre des artistes. Car si le nom est ce qui signe quelque chose, ce qui en atteste, il devient aussi à force d’usage une forme en soi.

Ces œuvres constituent de véritables portraits d’artistes. Agrandis à l’échelle du tableau et nous faisant face, ils nous regardent tout comme nous les regardons. Mais de quels artistes Agnès Thurnauer fait-elle ici le portrait ? Des artistes fictifs, dont l’existence déjà entérinée par la circulation de leur nom, occupe une place dans nos esprits et dans la vie artistique ? Où bien des artistes réels dont le portrait se dessine en creux, et dont l’œuvre continue de résonner avec force, en résistance et au-delà du bouleversement opéré sur leur nom ? Dans cette superposition d’identités réelles et fictives, Agnès Thurnauer crée avec étrangeté des portraits décalés, qui intègrent à la fois le champ de l’art et son hors champ. Aux côtés de ces « Portraits grandeur nature », l’exposition présente également des œuvres picturales, un médium privilégié pour l’artiste qui ne cesse d’explorer ce que la peinture peut être aujourd’hui. La série « Bien faite, mal faite, pas faite » (2004) détourne l’imagerie de la publicité dont elle annule le message en lui substituant le célèbre principe d’équivalence de Robert Filliou. Représentation du corps anonyme, ces peintures engagent une relation dialectique avec les « Portraits ». Au cœur de l’exposition le grand triptyque « Sans titre (Probably) », (2007) semble en constituer le cœur, entrainant dans son vortex hypnotique les douze portraits qui gravitent tout autour.

Cette exposition est l’occasion pour l’artiste de continuer à faire cheminer sa pensée au sein même de sa production. Agnès Thurnauer conçoit en effet l’œuvre d’art, et en particulier la peinture, comme un espace pour représenter la pensée en mouvement. « Représenter /…/, c’est donner forme à des questions. Or donner forme à des questions avec des mots et en rendre compte de façon plastique ou picturale sont des choses très différentes. Représenter une question, c’est se permettre de regarder cette question comme un paysage. A partir du moment où l’on peut regarder la question, on y répond sans l’arrêter, on chemine avec elle. On se déplace dedans »* (A. Thurnauer in Art Présence n°58, 2006).

Née à Paris en 1962, Agnès Thurnauer vit et travaille à Paris. Elle est représentée par la Galerie Anne de Villepoix, Paris.

www.agnesthurnauer.net

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Agnes Thurnauer
"Francine Picabia"